L'hôpital ne se moque pas de la charité
Quand je rentre dans cette chambre bien illuminée par ce (trop) chaud soleil de mai, ce qui me frappe c'est cette petite silhouette voutée sur son fauteuil roulant.
Elle a l'air tellement fragile.
On dirait presque qu'on va pouvoir voir à travers elle avec ce soleil.
Elle n'a pas l'air consciente de ma présence, petite chose repliée sur elle, le nez dans ses mots croisés, elle n'a même pas tourné la tête.
Dans le 2e lit de la chambre, son mari est allongé et il dort.
C'est pour lui que je suis là.
Lui il est malade.
Elle, non.
Agée oui.
Elle ne marche plus bien, elle ne voit plus bien, elle ne s'occupe plus de rien.
En vérité elle est dépendante, elle ne peut plus vivre seule car elle ne peut plus assumer les gestes de la vie quotidienne.
C'est son mari qui les faisait.
C'est pour ça que quand les urgentistes ont découvert dans leur appartement le monsieur allongé sur le sol du salon, qu'ils ont décidé de l'emmener aux Urgences, ils ont emmené la dame aussi.
Pas parce qu'elle était malade aussi, pas parce qu'elle avait une urgence vitale.
Parce que pas de famille proche pour la prendre en charge.
Parce que pas de structure à qui la confier en attendant.
Parce que pas question de la laisser seule là et de la mettre en détresse.
Alors on l'a hospitalisé, elle aussi.
"Sans raisons" ... médicales tout du moins.
Cette dame n'a rien à faire dans cette chambre, mais elle s'y sent bien.
Elle est avec son mari dont elle n'a jamais été séparée, elle voit qu'on s'occupe de lui. On s'occupe bien d'elle aussi, elle est entourée et rassurée.
Elle a déjà oublié les longues minutes d'angoisse en attendant les secours.
Où donc aurait-on pu la mettre sinon en attendant de trouver une solution plus logique et satisfaisante?
Combien sont-ils d'autres dans les chambres de cet immense batiment à être là parce qu'il n'y a pas d'ailleurs meilleur pour s'occuper d'eux?
Hopital, dernier refuge contre la misère et la solitude.
A la fois rustine et roue de secours.