Flou frontalier
J'habite un pays de frontières.
L'Italie et la Suisse me sont plus proches que Paris.
Je suis plus vite rendue à Genève qu'à Lyon.
Plus que l'Italie, la Suisse est aussi un peu chez moi.
Et chez moi est un peu chez eux.
(Tant pis pour ceux qui vont hurler au blasphème)
C'est difficile d'aller en Italie de chez moi.
Les Alpes nous ont toujours séparés.
Et puis la langue n'est pas la même.
C'est tellement facile d'aller en Suisse de chez moi.
Tu prends une route, à un moment tu es en France, le coup d'après tu es en Suisse.
Parfois même sans le savoir pour peu que la route soit trop petite pour mériter un poste douanier - vide en général - et un Stop que tu marques à peine
Allez en Suisse c'est comme aller à Grenoble. Tu ne te poses pas de questions, personne ne t'en pose. On ne te demande ni papiers ni rien.
Le bonheur de l'espace Schengen.
Tellement facile que tu en oublies ce que c'est un pays qui ne t'accueille pas à bras ouvert.
Un pays qui te scrute, qui t'analyse, qui te demande des comptes.
Un pays qui ne te considère pas d'entrée comme son ami.
Ou plutot un pays qui ne te considère pas comme son ennemi parce que tu vis du mauvais coté de la frontière.
Au delà de l'humidité, du bruit, de la chaleur c'est ce qui a marqué mon entrée en Inde.
Le visa, le passeport, le papier à remplir dans l'avion et à présenter pour rentrer sur le territoire.
Le fonctionnaire qui te scrute, te pose des questions, te demande des précisions : où tu vas dormir, où tu vas aller, le numéro de la personne qui te loge.
Ici tu n'es pas accueilli les bras ouverts, tu ne te déplaces pas comme tu veux.
En Inde tu ne passes pas la frontière - matérialisée par un poste douanier vide - comme tu veux pour aller acheter du chocolat au Pakistan ou pour faire une randonnée dans le Cachemire.
Choc en ayant transité par Bruxelles où personne ne t'a rien demandé, où tu étais un "ami".
Après quand tu passes un poste frontière vide, tu ressens la chance que tu as.
Ici, en Suisse, tu n'es pas un ennemi.